Vincent Pezzatti, conjugue son expertise horlogère et sa passion pour la photographie animalière d’une manière unique et inspirante. Ayant grandi à Môtiers et travaillant depuis plus de quatre ans chez Voutilainen SA, il est spécialisé dans les complications et la restauration de montres haut-de-gamme, un métier qui requiert précision, patience, passion et dévouement. Pendant son temps libre, c’est dans les paysages du Val-de-Travers qu’il trouve son refuge, capturant à travers son objectif la beauté et la fragilité de la nature.
Depuis son enfance, initié par ses parents, Vincent a été bercé par la passion familiale pour la photographie. Pour lui, elle va bien au-delà de simples images ; c’est un moyen de transmettre des émotions, de raconter des récits silencieux de la nature et d’inspirer une prise de conscience environnementale. Il passe des heures à observer et à s’imprégner dans les forêts alentours, utilisant la technique de l’affût pour se rapprocher des animaux sans perturber leur environnement naturel. Cette approche, patiente et respectueuse, lui a permis de capturer des scènes rares et éphémères, telles que celles du lynx, symbole de sa détermination et de sa connexion profonde avec la faune locale.
Avec des projets plein la tête, dont l’écriture d’un livre, Vincent Pezzatti raconte des histoires de la nature, un cliché à la fois.
Partons à la rencontre de ce passionné de photographie animalière.
Pourrais-tu te présenter ?
Vincent Pezzatti – j’ai 33 ans et je suis horloger en complications et restauration chez Voutilainen SA. Habitant dans la région de Val-de-Travers, je suis passionné de photographies depuis toujours. Ma sensibilité se porte sur les différents jeux de lumière, et mes images captent avec poésie la beauté de la faune et de la flore.
Pour toi, la photographie, c’est « Raconter une histoire en une image. » Peux-tu nous en dire davantage ?
J’ai le sentiment que nous n’écoutons pas assez la nature. J’essaie, par mes photographies, de retranscrire ce qu’elle pourrait nous dire. C’est aussi un moyen de susciter une prise de conscience.
Pour moi, la photographie est une manière d’explorer le monde naturel sans se l’approprier et parfois même, raconter une histoire. Je passe de longues heures dans mes affûts et la plupart du temps, je rentre sans aucune image. Ces moments passés à attendre me permettent de me familiariser avec les lieux et de préparer mes prises de vue. Je m’imprègne des lumières, de l’ambiance, des odeurs, je cherche le cadrage idéal bien avant que l’animal ne se présente.
Vous trouverez sans doute une certaine douceur dans mes photos, c’est justement une volonté de ma part de travailler essentiellement sur des lumières douces qui reflètent, selon moi et au plus proche, le monde animal. En opposition avec celui de l’homme (qui se veut bien souvent bruyant, frénétique et plutôt centré sur lui-même).
Depuis quand fais-tu de la photo ?
Depuis l’âge de 8 ans, je partage cette passion avec ma famille, ma maman m’ayant d’abord prêté un appareil photo argentique. Par la suite, mon papa m’a permis d’utiliser du matériel photographique professionnel. À l’âge de 19 ans, j’ai acquis mon premier appareil photo.
Avec mon papa, nous allions en forêt et je découvrais sa patience et son enthousiasme pour les photos animalières. De retour à la maison, nous développions les photos argentiques. Cette tradition a toujours perduré. Aujourd’hui encore, nous travaillons ensemble sur le terrain.
Comment as-tu appris à photographier ?
C’est mon papa qui m’a transmis ses connaissances. Dans un premier temps, je lui montrais toutes mes images afin que je puisse m’améliorer et ainsi bénéficier de ses conseils. Par la suite, j’ai fait une vingtaine de reportages pour des mariages ou soirées d’entreprise. C’est à ce moment-là que j’ai appris à maitriser les lumières tout en faisant parler ma sensibilité. Il était important pour moi de raconter une histoire et de retranscrire l’instant présent vécu par les mariés.
Pourquoi t’es-tu orienté vers la photo animalière ?
J’ai la chance de vivre dans une région riche aux paysages idylliques et à la grande variété animale. J’accorde également beaucoup d’importance à notre empreinte carbone, je me concentre donc essentiellement sur ma région pour mes photographies. J’ai l’impression que lorsqu’on parle de la nature, nous devons faire preuve de cohérence. Protéger la planète au quotidien est un défi immense, et en tant que témoins de cette nature, il est essentiel, à mon sens, d’agir de manière responsable.
Qu’est-ce qui te plaît dans la photo et dans la photo animalière ?
Ce qui me plaît dans la photo c’est comme pour la musique. Nous pouvons, à travers un appareil ou un instrument, susciter une émotion. Plus précisément, dans la photographie animalière, j’apprécie de voir sans être vu.
Je pratique la technique de l’affût, qui consiste à repérer le terrain à l’avance, en pleine journée et sans appareil photo, afin de ne pas déranger les animaux. Une fois les indices découverts, je définis l’emplacement du futur affût en fonction des vents dominants, de la luminosité et du cadrage. Cette approche respectueuse me permet d’être au plus près des sujets tout en minimisant les dérangements. C’est toute cette préparation minutieuse, demandant beaucoup de travail qui me plaît particulièrement, et lorsque l’animal n’est pas dérangé, l’objectif est atteint.
Quelles sont tes plus belles expériences ?
Mes plus belles expériences sont celles que j’ai pu partager avec mon papa ou avec mes enfants. Nous avons passé des heures et des heures à nous lever tôt le matin, parfois dans des conditions de froid difficiles. Une fois installés dans l’affût, il ne faut plus bouger, peu importe les signaux que le cerveau nous envoie. Bien que nous rentrions souvent sans photographie, nous vivons des sensations incroyables que peu de gens connaissent.
Voici deux anecdotes pour imager ma réponse :
Le jour des 60 ans de mon papa, le 7 janvier 2022, nous avons décidé de faire un affût pour observer le lynx en fin d’après-midi, malgré une véritable tempête de neige. Le problème : le matin même, j’étais allé faire un rappel d’un certain vaccin. Lorsque nous nous sommes mis en place pour l’affût, j’ai commencé de greloter et à avoir des poussées de fièvre. J’ai attendu le coucher du soleil sans bouger et lorsqu’il a fallu rentrer et fournir un effort physique pour rentrer, je me suis senti très mal. Dans cet état, c’est la passion qui m’a permis d’affronter ces conditions difficiles et de vivre cette expérience inoubliable.
Une autre fois, un jour d’hiver, mon fils, Nataniel, a accepté de m’accompagner également sur un affût pour le lynx. Il a tenu 3h dans la tente en acceptant de chuchoter et de ne pas bouger, il s’est même permis une sieste !
Tu photographies des animaux sauvages et notamment le lynx. Qu’aimes-tu particulièrement dans ce genre de prise de vues ?
Le lynx, « c’est un peu l’objectif ultime de tout photographe animalier ». C’est un animal tellement discret, qui est majoritairement nocturne et qui possède un territoire d’environ 100 km2. Il est strictement protégé car, à mon sens, il est certainement le témoin de la qualité naturelle de l’endroit dans lequel il vit. Si le lynx ne survit pas, c’est qu’il y a un déséquilibre naturel ou que les espaces ne sont pas assez grands et sécuritaires pour qu’il puisse y résider.
J’ai passé une année à chercher les endroits de passages et quels étaient ses habitudes. Je me suis également renseigné sur l’animal au travers des livres et de certains témoignages. J’ai également tracé son territoire sur une carte d’après mes observations, ce qui m’a demandé de longues heures de marche. Puis, j’ai choisi un endroit où il passait assez régulièrement (bien que le lynx ne soit pas très régulier) pour établir mon affût. J’ai ensuite attendu 3 ans au même endroit, soit environ 300 heures d’affût pour le rencontrer.
La sensation est presque indescriptible, c’est une sensation d’accomplissement et d’apaisement extrême. Je suis passé par tellement d’échecs, je n’y croyais plus trop. J’ai eu énormément de doutes et de remises en question, qui font que la finalité est une explosion d’émotions. J’ai eu la chance de passer plus de 20 minutes à moins de 10 mètres de lui et c’est lui qui est venu naturellement au plus proche de moi alors que j’étais allongé. Il m’a senti et m’a regardé puis il s’est assoupi à mes côtés. Je suis extrêmement reconnaissant car je crois faire partie du cercle très fermé de ceux qui ont pu vivre un moment si intense avec le lynx. Je pense que nous pouvons retrouver ce genre de sensation dans les exploits sportifs très engagés qui demandent énormément de préparation.
Qu’est-ce que tu aimerais transmettre ?
Premièrement, de l’émotion et dans une seconde phase, une prise de conscience. Je pense que si j’arrive à susciter de l’émotion chez une personne, elle sera plus réceptive à reconnaître l’importance primordiale de la nature et de tous les animaux, du plus petit des insectes au plus grand des mammifères. Pour moi, Il est essentiel de vivre en harmonie avec la nature et, parfois, de faire des concessions pour la préserver.
Tu es horloger en hautes complications, est-ce qu’il y a des aspects similaires à la photo ?
Je suis effectivement horloger en complications et restauration chez Voutilainen SA. Il y a plusieurs similitudes que je retrouve à mon établi et chez mon employeur, Kari Voutilainen, qui a toujours aimé la nature et sa tranquillité. Notre métier exige une grande patience, une concentration intense souvent accompagnée de silence. Il faut également être persévérant mais je pense que cela s’applique largement à la vie en général.
Qu’est-ce qui te plaît dans ton métier qui pourrait être similaire à ce que tu aimes dans la photographie ?
L’émotion de la montre terminée. L’horlogerie est un métier à la fois technique et artistique. Chaque fois qu’une montre est achevée, nous sommes fiers des détails et du soin apporté à chaque composant. Certaines montres demandent beaucoup de temps et d’implication pour atteindre la perfection ultime.
Quels sont tes projets futurs ?
Mon projet est d’écrire un livre mais je n’en dis pas plus pour le moment :).