Patrick Grand est distillateur de fée Verte à Fleurier (NE). Personnage atypique, il vient d’ouvrir un salon de massage, usurpant le nom d’un spa de luxe.
«Il y a de la provocation dans tout ce que je fais. C’est dans ma nature. Certains ont peur des araignées, moi, j’ai peur de l’ennui» Patrick Grand, entrepreneur
Dans le canton de Neuchâtel, au coeur d’un val que l’on dit de Travers, sévit un homme droit dans ses bottes. Père de famille de 47 ans, Patrick Grand a le parler franc. «Je suis un obsédé de l’absinthe. Sur les étiquettes, il y a des femmes partout», plaisantet-il devant sa collection de plus de 200 bouteilles de bleue, alignées sur une étagère de sa chapelle. Oui, c’est dans une ancienne maison de Dieu que le sulfureux Neuchâtelois distille son breuvage. «Le pasteur des lieux le faisait avant moi. Quand mon père a racheté l’édifice, il a acquis l’alambic par la même occasion. J’ai commencé à distiller à 17 ans.»
Mais, si Patrick Grand fait aujourd’hui parler de lui, ce n’est pas à cause de sa nouvelle boisson vieillie en fût de chêne et habilement baptisée «Absinthe N° 5» – on y reviendra. Non, si on parle de «PG», c’est parce qu’il vient d’élargir ses activités «d’entrepreneur» en ouvrant, il y a un mois, un salon de massage érotique. Ce qui a fait jaser à Fleurier – comme le révélaient nos confrères de L’Express –, ce n’est pas tant l’établissement luimême que le nom choisi pour celui-ci. «Florius». Le même que celui d’une villa bien en vue dans la bourgade, propriété de l’horloger Parmigiani, où l’on vient se détendre… dans un spa de luxe. Un écrin de bien-être situé littéralement à deux numéros, sur la même rue que la nouvelle maison close. Patrick Grand le concède: «Bien sûr, il y a de la provocation dans tout ce que je fais. Je me nourris comme ça. C’est dans ma nature. Certains ont peur des araignées, moi, j’ai peur de l’ennui.»
Concurrence déloyale
Il n’en a pas fallu plus pour lancer une minipolémique. Ayant pris connaissance du nom de l’établissement de Patrick Grand, la Villa Florius a fait entrer ses avocats dans la danse. «Nous voulions éviter que des amalgames se fassent. Nous avons rencontré Patrick Grand pour lui demander de changer le nom de son salon, car Villa Florius est un nom déposé et nous estimions qu’il s’agissait là de concurrence déloyale», explique Julien Badet, directeur général du wellness. Ce fut chose faite. «Le salon Florius est devenu le salon Glorius», s’amuse l’entrepreneur. Accord à l’amiable donc. «Ce monsieur est connu comme le loup blanc dans le Val-de-Travers, nous glisse Julien Badet. À vrai dire, sa démarche nous a plutôt fait sourire. Il voulait faire parler de lui. Au final, ça a aussi fait parler de nous.» Anecdote: un client du salon de massage s’est présenté au spa, un dimanche après-midi, avant d’être renvoyé «là où il trouverait ce qu’il cherchait».
On sent malgré tout que le salon de massage est un peu tabou. Ce qu’en pense Patrick Grand? «Les gens s’affairent à juger ce qu’ils ne connaissent pas. Oui, j’héberge des prostituées dans un appartement qui m’appartient. Je le fais car c’est un gagnepain. Ces filles sont en règle, la police m’a délivré une autorisation. Je ne fais de mal à personne, mais je conçois que cette activité puisse bousculer les moeurs de certains. De l’exploitation? Toute personne qui travaille se fait exploiter.»
«Je ne suis pas un truand»
C’est que le distillateur, fraîchement nommé président de l’association transfrontalière Pays de l’absinthe, n’en est pas à son coup d’essai en matière de provocation. Il y a quelque temps, il avait baptisé son site Internet de vente d’alcool «Absinthe House», ce qui n’avait pas manqué de chatouiller les conservateurs du musée la Maison de l’absinthe, à Môtiers.
Il se lance maintenant dans un détournement du célèbre flacon de parfum de Chanel. Tout y est, la forme de la bouteille, le visuel de l’étiquette. La provocation de trop? «Je ne crois pas. Si je m’amuse à flirter avec les limites, je ne fais jamais rien d’illégal. Je demande toujours l’avis d’un conseiller juridique avant de me lancer dans mes projets. Si je reçois une lettre de Chanel, je serai content d’aller les voir et de refaire parler de moi.»
Faire parler de lui. Son vrai moteur? «J’ai vécu six mois à San Francisco. Là-bas, les gens sont fiers de vivre à côté de quelqu’un qui a réussi. En Suisse, on se méfie de la réussite. On cherche la faille, sans doute par jalousie. Une chose est sûre, je ne suis pas un truand. Mais c’est vrai, dans la rue, certaines personnes me regardent bizarrement. D’autres me félicitent d’oser lancer de nouveaux projets.»
Des projets, Patrick Grand n’en manque pas. Depuis un an, il cultive notamment du cannabis, dans le même champ où pousse son absinthe. «Pour en faire des produits dérivés, évidemment», explique-t-il.
Certaines de ses combines lui ont toutefois valu des avertissements des forces de l’ordre. «Je faisais parfois traverser, en les cachant dans mon coffre, des réfugiés qui voulaient passer un week-end en France. Je me suis fait attraper par la douane, avoue-t-il sans malaise. Pourquoi? Parce que je ne comprends pas que les êtres humains n’aient pas tous les mêmes droits.»
Source: http://www.pressreader.com